Interview : Thomas Jacquemier, Directeur Exécutif du Limoges CSP

Racheté il y a un peu plus d’un an par Lionel Peluhet, cadre d’Intermarché, le Limoges CSP ouvre une nouvelle page de son histoire.

Pour retrouver une attractivité économique et proposer bien plus que du basket aux partenaires, le club de Betclic Elite a annoncé devenir le premier club de basket masculin en France à adopter la qualité de Société à mission.

« Cette démarche unique dans le paysage sportif marque une volonté forte de changer de modèle économique et replacer le club au cœur de son territoire et de la société, en inscrivant des objectifs sociaux et environnementaux dans ses statuts, au même titre que la performance sportive » explique le club dans un communiqué.

Pour en savoir plus sur cette initiative et le développement économique du club, nous avons posé quelques questions à Thomas Jacquemier, Directeur Exécutif du Limoges CSP depuis quelques mois et ancien Directeur Général des Girondins de Bordeaux (2019-2024), passé également par le Paris Saint-Germain entre 2004 et 2011.

Thomas Jacquemier, Directeur Exécutif Limoges CSP

Que retenez-vous de vos expériences passées pour ce nouveau défi avec le Limoges CSP ?

J’ai 52 ans. Je fais partie de cette génération qui a connu le club comme le plus grand de France. J’ai gardé, comme beaucoup, une bonne image, assez romantique, du Limoges CSP.

Ce qui m’a plu dans ce projet, au-delà de la puissance de la marque, c’est de devoir reconstruire un modèle économique vertueux suite aux différents déboires que le club a vécu. A la différence de là où je viens, c’est-à-dire le football, impossible de se refaire sur de la vente d’actifs et la vente de joueurs !

La salle n’est pas extensible, le maillot n’est pas extensible, les droits TV ne sont pas au rendez-vous pour le moment… comment améliorer les revenus d’un club qui est aujourd’hui dans le ventre mou de la Betlic Elite, comment passer d’un déficit à l’équilibre ?

Je pense que l’une des réponses, c’est la RSE. Pour moi, les clubs professionnels de sport sont très légitimes à aller sur les terrains d’engagement et d’en faire des leviers de partenariats intéressants.

Au Limoges CSP, en devenant Société à mission, on rentre dans un cadre contraint et ce cadre contraint, il a une vertu, c’est qu’il rassure les marques. Nous avons fait appel à la même société de conseil que LDLC ASVEL féminin (NDLR : Société à mission depuis 2022) pour nous accompagner, à savoir Goodness & co.

« Avec la Société à mission, on ajoute un 4ème ou 5ème maillot, ça vient en plus dans notre offre »

Concrètement ça veut dire quoi Société à mission ?

On inscrit dans nos statuts juridiques ce que l’on appelle une raison d’être, une sorte de deuxième objet social. On précise que l’on fait du basket mais pas que ! La nôtre dit que « Le Limoges CSP joue pour et avec ses territoires, et crée grâce à la force du sport des liens durables et un avenir partagé. »

On retrouve dans cette phrase des engagements concernant l’inclusion, le sport santé, la préoccupation environnementale, la valorisation des territoires ou encore l’enfance.

Un comité de mission va nous suivre pour que nous déterminions des objectifs quantitatifs et il y aura un audit derrière pour contrôler les engagements.

Aujourd’hui, nous sommes moins d’une cinquantaine de collaborateurs, joueurs inclus. On devra s’appuyer sur différentes ressources, notamment des associations et des bénévoles pour déployer des dispositifs impactants.

Cela intéresse vos partenaires ? Le public aussi ?

Aujourd’hui, un club se doit, sans être Société à mission, de s’inscrire dans ces démarches.

Nous avons officialisé ce statut le 9 octobre dernier même si nous l’avions annoncé en juin. Il n’y a rien d’officiel pour l’instant, mais nous menons des discussions avec des sponsors. Ca devrait se concrétiser plutôt sur la deuxième partie de la saison, au début de l’année 2026.

Nous proposons des petits tickets, des plus gros… L’objectif, c’est de construire quelque chose qui n’existait pas forcément au club. Il faut qu’on fasse plus et que l’on donne plus de visibilité à ce que l’on fait.

Quels types de partenaires sont prêts à vous rejoindre maintenant que vous êtes Société à mission ?

Des entreprises qui cherchent à donner du sens, comme par exemple sur une problématique de marque employeur. On vise clairement des entreprises nationales voire internationales qui souhaitent un support qui donne de la visibilité à leurs efforts.  Quelque chose qui soit un levier de fierté en interne.

Avec la Société à mission, on ajoute un 4ème ou 5ème maillot, ça vient en plus dans notre offre. Ca reste du sponsoring, ce sera un investissement mais on veut faire l’écho de campagnes RSE.

« Nous avons racheté la marque « À jamais les premiers », dont nous avons les droits et que nous allons partager intelligemment avec l’OM et ses supporters »

crédit : Limoges CSP

Quel est le budget du club cette saison ?

Le prévisionnel de chiffre d’affaires, c’est 6 millions d’euros. Nous visons l’équilibre pour le budget.

On vise 25-30% de plus sur cette saison versus l’année passée.

Par rapport à ce que j’ai connu, on est quand même sur des choses réalisables, à la différence du football où il fallait, à chaque saison, trouver 40 millions d’euros pour faire survivre le club.

Là, on parle de sommes déjà plus digestes mais qu’il faut quand même trouver, à l’échelle du basket.

Pour l’instant, c’est Lionel Peluhet (NDLR : numéro 2 d’Intermarché et propriétaire du club) qui fait l’effort mais il ne peut pas le faire Ad vitam.

Nous sommes sur la bonne voie avec la réduction de notre déficit. La saison 24-25 s’est achevée sur un déficit de 500 000 euros. Globalement, le club était plutôt en déficit de partenariats et d’hospitalités plutôt qu’en déficit de remplissage grand public. 

L’image du club semble rester attractive. Quelle place a la club dans le paysage local ?

Le Limoges CSP est un club très aimé et sur lequel il y a encore beaucoup, beaucoup d’attentes. Nous sommes au début d’une nouvelle histoire.

Notre projet d’entreprise à mission questionne, interroge… Il est une sorte de curiosité très positive de la part des partenaires et rassure plutôt les collectivités. Il y a peut-être un peu plus de scepticisme pour l’instant chez le grand public qui attend de voir et je comprends qu’on puisse douter de tout ça.

Le club de handball local a réussi à se développer ces dernières années dans la phase très négative du club de basket. Nous partageons aujourd’hui la salle avec eux.

Il y a de la place pour que le Limoges CSP redevienne attractif, une place forte en local, que les entreprises remplissent les hospitalités. Mais le levier de croissance va se situer au-delà de la salle et au-delà de la ville.

Un mot justement sur le Palais des Sports de Beaublanc

Le club est locataire de la salle qui va connaître des travaux importants. Nous sommes partis pour 4 années de transition. Deux années sans conséquences pour nous, 25-26 et 26-27 et deux années plus compliquées, 27-28 et 28-29 durant lesquelles nous devrons déménager pour attendre la livraison de la nouvelle salle. Entre temps, nous aurons une nouvelle salle d’entraînement.

Il ne sera pas détruit mais le toit sera retiré pour pouvoir augmenter la capacité et ajouter des espaces d’hospitalité.

Quelle sera sa future capacité ?

Il n’y a pas une grosse différence.  Sur le papier, c’est 800 places assises de plus. Le vrai levier, c’est que la salle sera équipée de ses propres hospitalités, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Des espaces réceptifs, que ce soit en match ou en dehors des matchs, pour accueillir plus d’entreprises et de façon beaucoup plus qualitative. 

Vous êtes passé par les Girondins… Limoges CSP est un autre club qui a connu l’enfer avec des supporters engagés, attentifs et exigeants. Quelle est la relation aujourd’hui entre le club et ses supporters ?

Ce n’est que le début donc pas d’euphorie.  On sait que si on perd tous nos matchs pendant plusieurs semaines ce sera très compliqué. Le sportif reste la base.

C’est un public que je trouve extraordinaire, c’est ce qui m’a fait venir ici en partie. La passion de cette salle est géniale ! Avec un tel palmarès, vivre le désert sportif, ça ne tient pas longtemps. Ils aiment surtout la victoire, une équipe qui se bat et qui produit du bon basket.

Le public a été patient, il a compris que le club avait failli mourir et qu’il a été sauvé l’an dernier. On sent que c’est une salle connaisseuse qui n’a pas besoin qu’on la guide. Ils savent très bien pousser les joueurs quand il le faut.

Ça veut dire que ce public peut être réfractaire à l’innovation, notamment enrichir la Fan Experience ?

Il y a une méfiance, oui. C’est un public de connaisseurs, donc on ne peut pas les attirer avec des artifices. Par contre, ils ne sont pas du tout opposés à ce qu’on modernise l’ensemble. Mais la priorité, c’est le basket !

Qui sont vos principaux sponsors cette saison ?

Nous avons encore un peu de stock sur le maillot, short et la salle. Il nous reste des emplacements sur le parquet avec une bonne visibilité. 

Nos principaux partenaires sont Intermarché évidemment, Human Immobilier, Big Mat, Engie. Nous sommes dans la consolidation et le déploiement, notamment sur les partenaires médians qui étaient un peu absent la saison précédente. Il n’y avait pas de Club Business quand je suis arrivé… Plus exactement, c’est une association qui gérait ça. On a repris ça en main pour apporter un peu plus de services aux entreprises.

Le club peut-il retrouver une valeur financière d’ici quelques années ?

Un de ses vrais actifs, c’est évidemment la puissance de sa marque…

Nous avons notamment racheté la marque « À jamais les premiers », dont nous avons les droits et que nous allons partager intelligemment avec l’Olympique de Marseille et ses supporters. Nous avons été quelque part, chacun dans notre sport, à jamais les premiers ! (NDLR : Limoges devient le premier club français champion d’Europe le 15 avril 1993, un mois avant l’OM en football)

« A jamais les premiers » est une marque déposée par le CSP ?

Oui. Le but n’est pas forcément d’en faire une marchandisation extrême. Un projet sortira dans quelques mois…

propos recueillis par Alexandre Bailleul, Contenus & média pour l’ISG Sport Business Management.

Découvrez aussi le portrait de Sulyvan, en charge de la communication du Limoges CSP, et diplômé de l’ISG.

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